Qu’est-ce que le trouble de personnalité limite ?
Le trouble de la personnalité limite (TPL) se caractérise par une instabilité des émotions, des relations, de l’image de soi et de l’impulsivité (1). Source d’une intense souffrance, il conduit les personnes vivant avec à des conduites suicidaires répétées (2). Le taux de suicide serait compris entre 5 et 20% suivant les études (3, 4). La sévérité du TPL s’observe aussi à travers des dysfonctionnements majeurs (5, 6), une atteinte de la santé physique affectant l’espérance de vie (7-9) et de nombreuses comorbidités psychiatriques (10). Une des particularités de ce trouble relationnel porte sur la souffrance vécue par l’entourage (11), les milieux professionnels (12) ou les enfants (13). Le coût annuel direct et indirect du trouble se situerait entre 15 et 50 000CAD par an et par personne (14-16).
Depuis les années 90, plusieurs traitements psychothérapiques ont démontré leur efficacité dans le traitement du TPL, dont la thérapie comportementale et dialectique (17, 18). Les métanalyses actuelles situent la taille d’effet de ces stratégies comme modérément efficaces sur les symptômes (19-21). Elles ont aussi plusieurs limites. Premièrement, elles nécessitent des ressources spécialisées qui ne sont pas constamment disponibles sur le territoire (22). De plus, même lorsque disponibles, environ la moitié des patients ne souhaiteraient pas y accéder. Plusieurs facteurs participent à cela et, notamment, certains recherchent plus de la validation que du changement. Aussi, il faut considérer que la prévalence du trouble qui dépasserait la capacité d’offre psychologique offerte sur le territoire. Enfin, suivant les études, jusqu’à la moitié des personnes qui entrent en thérapie ne la termineront pas (23). Ces considérations amènent les équipes de chercheur à développer des traitements associés ou alternatifs aux psychothérapies, même si celles-ci restent la première ligne de traitement.
L’une des approches complémentaires au rétablissement suivie dans d’autres troubles (ex : trouble bipolaire et schizophrénie) est l’intégration de pairs aidants aux programmes thérapeutiques. Le pair aidant est un membre du personnel qui dévoile avoir vécu avec le même problème de santé mentale que les personnes qu’il accompagne. L’impact favorable de cette approche porterait sur le rétablissement, la qualité de vie, le fonctionnement psychosocial, la santé physique et les symptômes (24). Cette façon de transformer les soins, en intégrant l’expérience des personnes vivant avec le trouble, parait alignée avec les préoccupations des usagers vivant avec un TPL (25). Il existe au Québec plusieurs groupes de personnes vivant avec un TPL qui offrent ce type de support1. Ces groupes correspondent à un modèle plus ou moins détaché des services de soin. En Australie, il existe aussi un modèle dédié aux personnes vivant avec un TPL associé aux équipes de soin (26). En outre, l’expérience de ces équipes permet de relever certains défis : gestion de la confidentialité, respect des limites, stigmatisation des pairs aidants dans l’équipe.
1 La Maison 100 limites https://m100l.com/ ou Borderline Anonyme : https://johannelavoie.ca/courses/borderline-anonyme/
La pair-aidance
La pair-aidance est une entraide, un accompagnement, un soutien apportés entre personnes souffrant d’une même maladie ou atteintes du même handicap.
Le partage de l’expérience et les échanges sont privilégiés et permet à chacun de progresser.
Notre projet
Sur l’initiative d’une patient partenaire de l’équipe du service des troubles relationnels et de la personnalité, Monsieur Pierre-Olivier Huot, nous avons suggéré le développement d’un modèle de pair-aidance dans le domaine du TPL, adapté à la culture québécoise et la structure de soins locale. Ainsi, l’objectif de ce projet de recherche serait de concevoir et évaluer l’implantation d’un programme de pair-aidance dédié aux personnes vivant avec un TPL